Villefranche-de-Rouergue . Pôle Culturel
PREAMBULE
« On dit d’eux qu’ils ne lisent plus, et pourtant, on en voit plongés dans les épisodes successifs des aventures du Poussin Masqué, puis d’Harry Potter ou de Twilight, d’Eragorn ou de Games of Throne, et la littérature jeunesse se porte plutôt bien. On dit d’eux qu’ils sont les proies du marché, et dans le même temps, on célèbre leur créativité via les pratiques amateurs, les blogs, les pages personnelles, les tuto, les même. On parle d’eux comme d’une nouvelle race d’humains –les générations X, Y … l’alphabet n’y suffit bientôt plus- mais pourtant, leurs valeurs semblent à certains égards se rapprocher de celles des générations qui les ont précédées, notamment dans leur célébration de la famille et de ses transmissions. On dit d’eux qu’ils évoluent dans un monde radicalement transformé, fait de réseaux virtuels où triomphe l’individualisme, et pourtant, on les voit occuper les stades, les places de concerts et les collectifs d’amateurs, parfois passionnés…
Génération après génération, au gré des mutations technologiques (le walkman, le home cinéma, la numérisation des contenus culturels et leur circulation sur les réseaux, etc.), des discours contrastés naissent à propos des jeunes et de leurs cultures : perte de valeurs ou règne de la créativité, paniques morales ou émerveillements enchantés, etc… . Certes, les manières d’écouter, de regarder, de lire des jeunes se transforment et comment ne le pourraient-ils pas? Se transformer n’est-ce pas vivre ? …»(1)
(1)La culture à l’ère du numérique : réflexions sociologiques
Sylvie Octobre
CONSTRUIRE UN POLE CULTUREL
La création de ce Pôle culturel est intimement liée au désir de retrouver un équipement fonctionnel, capable de rassembler les différents services, aujourd’hui, éparpillés ; et fédérateur, à même de répondre aux besoins des habitants.
Cette bastide séculaire, magnifique fait urbain moyenâgeux, est aujourd’hui un quartier dit « prioritaire », aussi la construction de ce pôle culturel représente le premier pas vers le renouveau du centre-ville de Villefranche de Rouergue : un lieu capable de répondre aux besoins de chacun et notamment des plus défavorisés, capable de diffuser, d’animer, d’accueillir, d’éduquer autour des savoirs et des cultures.
Aussi pour nous, ce pôle culturel n’est ni une bibliothèque, ni une médiathèque, ni une salle de jeux, ni une salle polyvalente, ni un espace d’exposition, mais bien tout à la fois : aujourd’hui on pourrait l’appeler « tiers lieu », c’est-à-dire, un lieu imaginé pour accueillir une communauté afin de permettre à celle-ci de partager librement ressources, compétences et savoirs sous un même toit. Voici, les enjeux qui ont motivé notre proposition.
CONTINUUM
Si les bibliothèques pouvaient, autrefois, s’apparenter à des sanctuaires sacrés, hauts lieux de l’apprentissage et de la culture réservés à un public averti et dont les frontières semblaient être jalousement gardées. Cette forteresse paraissant protéger des espaces sanctuarisés d’un extérieur envahissant, hors du temps: de vastes étendues silencieuses paralysant le plaisir de l’échange et la simplicité du mouvement vers l’autre.
Nous imaginons des espaces s’évadant de cette enceinte, pénétrant la cité dans un désir partagé d’échange et de générosité.
La manière de circuler dans le bâtiment devient ainsi un élément primordial et doit être repensée dans la verticalité du bâtiment, dans sa capacité à créer des surfaces d’échanges et à interagir avec la ville dans un continuum avec le Rez-de-chaussée du bâtiment et l’espace public. Nous envisageons de larges circulations à la lumière, visible de tous, rendant le parcours évident entre les étages et à même de proposer une continuité spatiale entre les différents niveaux du bâtiment et l’espace public.
UN TOIT
Aussi, le 1er acte de ce projet consiste en la couverture totale des bâtiments existants ainsi que du patio, pour offrir le maximum de volume utilisable au projet. Transformant naturellement, l’ancienne cour en atrium permettant une communication immédiate entre tous les programmes et renforçant l’idée d’un espace identitaire et démocratique.
C’est aussi une manière de révéler et de protéger le patrimoine existant sous son aile. S’installant avec tact et netteté, il agit comme un élément fédérateur planant au-dessus de cet ancien palais du moyen âge. Il protège du soleil, du froid, de la pluie, autant qu’il filtre et diffuse la lumière naturelle. C’est aussi un nouveau belvédère offrant un grand panorama sur la ville et ses environs, une manière de redécouvrir sa ville et de la valoriser. Ici, il n’y a pas d’opposition entre l’ancien et le moderne, mais plutôt un consentement mutuel à refaire vivre ce lieu.
UN PALIMPSESTE
Avec la sensibilité, la culture et les besoins d’aujourd’hui, nous proposons une architecture en lien avec l’histoire de ce lieu. Un parcours à travers les âges, un parcours opportuniste, relevant d’une poétique de la situation.
En cherchant, en triant, les différentes couches d’architectures qui composent cet ensemble, on se rend compte qu’elles se succèdent, s’entremêlent et s’imbriquent fortement. A l’image d’un palimpseste, manuscrit d’auteurs anciens que les copistes du Moyen Âge ont effacé pour le recouvrir d’un second texte, le bâtiment s’est d’une certaine manière réécrit au fils du temps. Aussi, notre intervention s’inscrit dans cette démarche.
Si nous mesurons amplement la valeur patrimoniale de cette bâtisse et la responsabilité qui nous est confié, nous pensons néanmoins que la création de ce pôle culturel ne doit pas crouler sous le poids de l’Histoire, mais bien embrasser cette Histoire passée, présente et à venir dans une dynamique aussi bien créative qu’innovatrice.
Aussi, le projet restitue, additionne, juxtapose, ajoute, des parties neuves à des parties anciennes dans le but affiché de réécrire ce lieu en cohérence avec les valeurs et les besoins d’aujourd’hui. Notre projet ne cherche pas la « restauration pastiche », mais bien le dialogue entre les âges. Nous aimons à penser la dimension métaphysique qui naît de l’écart vertigineux et pourtant concret entre deux fragments du réel confrontés dans l’espace à quelques mètres et dans le temps à quelques millénaires…
UNE AMBITION LEGITIME
Si la volonté de faire de pôle culturel représente le premier pas vers le renouveau du centre-ville de Villefranche de Rouergue. Et si cette transformation de cette ancien palais n’est qu’une petite pièce de ce grand édifice qu’est la Bastide, ou la retenue est de mise face ce lieu chargé d’Histoire, il n’en demeure pas moins important dans la vie et la dynamique de la ville: un lieu capable de diffuser, d’animer, d’accueillir, d’éduquer autour des savoirs et des cultures.
Aussi, notre ambition est ici de proposer une architecture juste dans ses rapports à l’histoire passée et à venir ; juste par son urbanité simple et généreuse ; juste dans son envie d’habiter pleinement ce lieu ; juste par le foisonnement de vie qu’elle voudrait insuffler ; juste dans son époque ; simplement juste… Ici, la raison et la mesure deviennent les complices de la poésie pour justifier une ambition légitime: embellir la vie de nos concitoyens.
VALEUR D’USAGE
La mise en place du programme s’est ainsi fait dans une recherche de corrélation entre les éléments qui fonde ce projet architectural, à savoir : les usages, les valeurs, la mémoire, la technique, les savoirs faire… rajoutant une nouvelle couche aux précédentes, transformant cette ancien couvent devenu palais, puis manufacture en, aujourd’hui, un pôle culturel.
Rez-de-Chaussée
Celui-ci est pensé dans une continuité avec l’espace public. Le porche existant est utilisé comme hall d’entrée et mène à l’ancienne cour transformée en un ample et généreux atrium: lieu d’accueil, il met en relation visuelle la majorité des programmes de ce pôle culturel. Il pourra éventuellement accueillir un espace de consultation des périodiques.
Autour de cet accueil s’organisent les activités qui pourront fonctionnés en dehors des heures d’ouverture de la médiathèque :
-La ludothèque, située dans le bâtiment existant en façade sur la place Bernard Lhez, offre un grand espace propice aux activités de groupe et deux petits espaces plus particuliers et propice à des activités plus calmes.
-L’espace cyber jazz café, mettant en valeur la collection « Panassiez », se trouve en façade sur la rue du palais. La façade existante est reprise pour laisser place à une ouverture plus généreuse et faisant office de vitrine en relation avec l’espace public. Cette situation permet de profiter du sous-sol vouté se trouvant juste en dessous pour proposer un caveau Jazz (espace optionnel) en relation avec le Cyber Jazz Café. A ce titre l’ancien soupirail datant du moyen âge est reconstitué pour amener la lumière naturelle à ce caveau.
-La salle d’activités se trouve au fond de la parcelle. Cette partie sera entièrement neuve suite à la démolition des différentes parties datant du XXème siècle, leur état ne permettant pas une conservation et leur intérêt patrimonial nous a semblé plus que limité aux vues des contraintes. La salle d’activité est en relation directe avec l’accueil. Ceux-ci peuvent être mutualisés pour des manifestations particulières (env. 200m²) par un jeu de portes entièrement amovibles. La salle d’activités permet tous types d’usages, exposition, danse, conférence, concert…cet espace est éclairé naturellement par un puit de lumière à la pointe sud de la parcelle et participe de l’effet d’appel depuis le hall d’entrée.
Chacun de ces espaces peuvent fonctionner indépendamment. Pour bien répondre à cette demande, la banque d’accueil est conçue comme un mobilier particulier entièrement occultable et fermable en dehors des horaires de la partie médiathèque.
Enfin, sanitaires publics et espaces de réserves viennent accompagnés ces différents programmes.
1er niveau
Accessibles par l’escalier monumental depuis le hall d’entrée à RDC, celui-ci dessert trois espaces du pôle culturel :
-L’espace jeunesse prend place dans une grande salle du bâtiment existant et donnant sur la place B Lhez. Cet espace est composé de mobilier bas démarquant les différents sous espaces et n’altérant pas l’aspect patrimonial de cette salle. Il est agrémenté d’un espace (multimédia) donnant sur l’atrium et d’un bureau du personnel en contrôle sur les espaces jeunesse. Un sanitaire pour les petits est installé en lien direct avec ceux-ci.
-L’espace multimédia prend place dans une salle à proximité et présentant un intérêt patrimonial intéressant.
-Et enfin la salle d’étude prend place dans la dernière pièce donnant sur la rue du palais. Cette espace calme et serein est propice à son usage. De grandes tables au centre de la pièce permettent de mettre en valeur la qualité historique du lieu.
Enfin ce niveau est complété par les différents espaces de réserves, de tri et de décontamination. les parties les plus contraignantes en terme de surcharges sont implantées dans la partie neuve.
Ce niveau est bien évidement accessible par un ascenseur depuis l’atrium et desservie par une coursive.
2ème niveau
Ce niveau est entièrement dédié à l’espace adulte. C’est un espace fait de multiples ambiances entre les parties neuves en ancienne et tournant autour de l’atrium central. Cet espace est éclairé en zénithale par une toiture légère faite de verre et d’acier, tamisant la lumière de manière homogène et douce. Celle-ci est travaillée afin d’éviter tout apport solaire direct et de surchauffe dans les espaces.
Un bureau du personnel permet un travail et un contrôle sur cette zone de la médiathèque.
Enfin, des sanitaires accompagnent cet espace et évitent ainsi de redescendre à RdC.
3ème niveau
Ce niveau est entièrement neuf et vient abriter l’espace son et vidéo. Entièrement en belvédère sur la ville et ses alentours, cet espace joue sur la surprise et l’inattendue pour proposer un nouveau point de vue sur la ville. De large débord de toiture, viennent protégés les espaces de consultation tout en renforçant le coté panoramique des vues proposées.
L’espace de détente du personnel vient compléter ce niveau. Une terrasse extérieure donnant sur la place B Lhez agrémente chacun de ces espaces. Ce nouveau volume s’intègre dans une double ligne de toiture, permettant de diminuer son impact visuel et s’inscrit dans la hauteur autorisé soit 15m.
Toiture
Si la toiture est entièrement neuve, nous avons pris un soin particulier à la dessiner comme une façade afin qu’elle s’inscrive dans son environnement de manière claire et harmonieuse. Ainsi aucun édicule technique ne dépasse ou nuit à la simplicité du dessin proposé.
Sous-sol
Malgré les contraintes PPRI, nous proposons de créer un niveau de sous-sol sous la partie neuve (au centre de la parcelle). Celui-ci est entièrement cuvelé et sera donc étanche en cas de crue. Il abrite la majorité des locaux techniques, Sous station CPCU, TGBT, eau, traitement d’air, rafraichissement, … de manière à centraliser les installations et facilité leur maintenance. Cette disposition permet de ne pas grever les espaces en superstructures ainsi qu’en toiture. Deux gaines permettent d’alimenter l’intégralité du bâtiment, l’une derrière l’ascenseur et l’autre dans le pigeonnier existant. Celles-ci permettent une distribution efficiente et discrète.
Accessibilité
L’intégralité du pôle est rendu accessible au PMR , un travail important a été fait pour remettre à niveau les sols des différents niveaux et l’ascenseur dessert bien évidemment l’ensemble des niveaux.
VALEUR PATRIMONIALE
Ce projet, au cœur de la bastide historique de Villefranche-de-Rouergue, incarne l’évolution des enjeux des sites patrimoniaux en cœur de ville. Ce bâtiment tient une place importante au sein de la cité.
L’ilot de l’ancien hôpital Saint-Loup, un des plus grand de la bastide, tient une place importante au sein de Villefranche-de-Rouergue. En effet, l’ancien hôtel particulier appelé « Immeuble Marty- Nasses » ou « Palais », bien qu’à proximité immédiate de l’hôpital, a vu se succéder les familles nobles et bourgeoises durant cinq siècles y laissant chacune des traces historiques de son époque.
Notre intervention met en place une démarche patrimoniale contextuelle, telle une approche archéologique, le projet porte une réflexion mémorielle de ce lieu. L’évaluation et l’expertise des différentes données, notamment le diagnostic patrimonial réalisé par Mr Gilles SERAPHIN[1] en Juillet 2016, l’historique réalisé par Madame Gabrielle BONNET du centre d’étude des Bastides[2], et bien évidement le rapport de diagnostic archéologique réalisé par Mr Franck Chaléat et Mme Guylène Malige[3] nous ont permis d’inscrire notre projet dans la continuité de ces héritages.
Un Projet Patrimonial
Notre analyse patrimoniale de ce site ne peut être détaillée dans le cadre de ce mémoire, néanmoins les éléments qui composent le bâtiment ont été repérés, identifiés et intégrés au projet architectural. Cette démarche nous permet de donner une réponse architecturale contemporaine précise en corrélation directe avec les éléments existants conservés, restitués, maintenue, et mis en valeur.
[1] Ancien palais urbain dit îlot Marty-nasses place Bernard Lhez, parcelle 438, diagnostic patrimonial, Juillet 2016, Gilles SERAPHIN, les ateliers du Patrimoine.
[2] HISTOIRE D’UN ILOT L’îlot de l’ancien hôpital Saint-Loup à Villefranche de Rouergue, Gabrielle Bonnet pour le centre d’études des bastides.
[3] Rapport de diagnostic archéologique réalisé par Mr Franck CHALÉAT et Mme Guylène MALIGE avec la collaboration de Philippe ABRAHAM, Nathalie ALBINET et Fabien HUGUET.