Préambule

Carpentras capitale historique du Contât Venaissin révèle un centre-ville hautement historique et riche marqué par la présence de la Papauté en Avignon et d’un essor économique au XVIII et XIX. Ecrin de l’ancien Evêché, le centre historique a pourtant vécu un déclin important depuis la fin du XIX.

Encore ceinte d’une partie de ses remparts et de portes majestueuses, l’occupation du centre s’est paupérisée au fil du temps en dépit de sa qualité urbaine et de son rôle de ville centre dans la région. Depuis 2011, une campagne de revalorisation, de réhabilitation et de re-dynamisation est en cours avec pour ambition d’une certaine manière de « réinventer » le centre-ville de Carpentras et dont on voit déjà largement les bénéfices, aujourd’hui. Notre projet s’inscrit pleinement dans ce mouvement, profitant de ce renouveau et de cette dynamique pour réaffirmer notre attention au contexte et la volonté de régénérer la ville sur elle-même, sur le « déjà là ».

Aldo Rossi, qui a été un des premiers architectes à montrer, dans des années pourtant marquées par la pensée hygiéniste, l’intérêt des centres anciens, disait dans son autobiographie scientifique :« La forme perdure et préside à la construction dans un monde où les fonctions se modifient constamment, et, à l’intérieur de la forme, la matière se modifie. ». Nous croyons en effet que la ville, malgré son histoire séculaire, est capable de se réinventer, tout en évitant la mise sous cloche : le musée. Si dans sa « forme » la ville exprime une certaine permanence, sa « matière » est amenée à changer, à évoluer. De cette capacité dépend la vitalité d’une ville inscrite dans le présent avec le respect du passé et sans peur du lendemain.

Plein/vide

Le centre historique de Carpentras offre une lecture claire dans sa forme : on comprend les remparts qui forment les limites extérieures, les portes autour desquelles les voies s’organisent et drainent le centre historique, les artères principales qui délimitent les quartiers, les places publiques… en parcourant celui-ci, on est fasciné par cette densité et le rapport direct entre les constructions et l’espace public, entre plein et vide.
Si le vide non seulement fait exister le plein et inversement, par sa nature, sa qualité, il révèle une identité : ici, la lumière si particulière du Sud. Une lumière qui tranche, qui contraste, qui réchauffe, qui se faufile par le moindre petit interstice…

D’une autre manière, le centre ville historique par sa forte densité, son aspect ramassé et compact, vient en contre point du grand paysage, ce grand vide qui s’enroule autour de la vieille ville avec notamment le mont Ventoux. Il y a, là, entre cette grande masse majestueuse construite sur sa colline et l’immensité du paysage environnant, un rapport particulier entre la situation de la ville et sa région, un grand plein face à un grand vide.

Voila, pour nous, la beauté de Carpentras.

Un lieu culturel et social

Le programme de cette opération est de faire de l’îlot Plan, une structure regroupant plusieurs programmes comme une salle polyvalente, un bar, un restaurant, des ateliers pluridisciplinaires. Le but étant d’en faire un lieu à la fois culturel, par la diffusion d’œuvres (spectacle, concert, …) ou par la pratique (arts plastiques, danse, musique,…) ; et social par la possibilité d’organiser des rassemblements (conseil de quartier, débat,…), et des lieux à destination des associations et autres.
Le bar et le restaurant viennent en appui de la salle et des ateliers afin de donner un caractère vivant, et accueillant à ce nouveau lieu. Cultures, savoirs et échanges peuvent se partager aussi autour d’un verre, d’un repas.
En favorisant les rencontres, les échanges, l’émulation entre l’ensemble des usagers de ce lieu, cela favorise une mixité des populations, et offre des lieux vivants et actifs tout au long de la journée. Ainsi, les programmes bénéficient mutuellement de ce partage dans une synergie stimulante.

L’îlot Plan

L’îlot est composé de plusieurs bâtiments agglomérés et transformés au fil du temps. Les parties les plus anciennes et intéressantes en termes de patrimoine se trouvent dans les zones basses des constructions. Alors que les parties hautes sont beaucoup plus récentes et moins qualitatives.

A ce jour, les constructions présentent de nombreux désordres structurels ; parties effondrées ou fragilisées par l’humidité et le temps. Etant inoccupés et non entretenus depuis un certain nombre d’années, les bâtiments se trouvent à ce jour dans un piètre état. Indéniablement, une grande partie des constructions doit donc être curée.

En étudiant différentes faisabilités avec le programme souhaité, nous sommes arrivés à la conclusion que les constructions existantes sont peu adaptées à la fonctionnalité voulue : complexité des niveaux inaptes à recevoir des personnes à mobilités réduites, surfaces et hauteurs restreintes inadaptées aux volumes souhaités, impossibilité de reprendre les charges d’exploitation demandées via les structures existantes.
Ces constats nous ont amenés à proposer une construction neuve en cœur d’îlot qui permet de conserver les bâtiments existants sur rue (plan de la porte d’orange) et l’ensemble des façades existantes sur la rue Archier et le passage entre le plan de la porte d’Orange et la place Boualam. D’autre part, les parties patrimoniales intéressantes en RdC et RdC Haut sont intégrées à la nouvelle construction afin de les préserver au mieux.

Continuum

Ciment de l’histoire de nos villes, les relations qu’entretiennent rez-de-chaussée et espaces publics s’imposent comme le niveau pertinent pour réinterpréter les typologies traditionnelles. Le projet tisse ainsi une nouvelle histoire au travers de son Rez-de-Chaussée, poreux et transparent pour offrir une nouvelle fluidité des espaces et donner un statut d’équipement public à l’îlot Plan Porte d’orange.
Si aujourd’hui, les bâtiments existants ont un aspect fermé et opaque, nous imaginons des espaces transparents en relation directe avec la cité dans un désir partagé d’échange et de générosité.

De ce fait, les bâtiments sur le Plan de la Porte d’Orange en RdC intègrent l’accueil et le bar en lien avec l’espace public. Le plan du RdC est travaillé dans la profondeur de l’îlot, afin que depuis la rue, on puisse sentir le caractère public et accueillant.
Un grand patio prend naturellement sa place derrière les bâtiments à l’alignement. Il amène de la lumière au cœur du projet et organise l’ensemble des circulations. La manière de circuler dans le bâtiment est un élément primordial et est pensée dans la verticalité du bâtiment, dans sa capacité à créer des surfaces d’échanges et à interagir avec la ville dans un continuum avec le Rez-de-chaussée du bâtiment et l’espace public. Nous envisageons de larges circulations à la lumière, visible de tous, rendant le parcours évident entre les étages et les programmes et à même de proposer une continuité spatiale entre les différents niveaux du bâtiment et l’espace public.

Le Patio devient le « vide » fédérateur à l’ensemble des programmes ; il amène et guide la lumière naturelle au cœur du projet.

Atrium impluvium

L’ensemble des utilisateurs et du public est invité à pratiquer ce patio de bas en haut. L’ensemble des circulations verticales et horizontales de l’équipement tourne autour de cet atrium extérieur avec plusieurs manières de le pratiquer suivant les moments, les besoins, ou les saisons…il est proposé plusieurs parcours intérieurs ou extérieurs qui permettent une grande flexibilité dans les usages, offrant à la fois une indépendance des programmes ; chaque programme pouvant fonctionner de manière autonome ou au contraire de manière coordonnée.

En RdC bas, niveau du Plan de la Porte d’Orange, le patio sert de terrasse protégée au bar, les éléments patrimoniaux sont remis en scène à la manière d’une fouille archéologique ; organisée en gradin formant une agora et amenant au Rdc Haut en fond de la parcelle, avec l’ensemble des locaux supports : vestiaires et sanitaires publics, stockages, loges et locaux techniques. Cette position permet d’avoir plusieurs accès depuis l’extérieur, soit par le passage reliant en pente douce le Plan de la Porte d’Orange soit depuis la rue Archier.

L’administration se trouve en R+1, dans le bâtiment sur rue, indépendante tout en étant proche des circulations et des entrées.
Au R+2 se trouve une partie des ateliers/activités côté rue et la salle de spectacle en cœur d’ilot. Les coursives d’accès autour de l’atrium servent de foyer à la salle.

Au-delà des toits…

Cette promenade ascensionnelle continue au-delà du patio pour offrir un point de vue panoramique au-dessus des toits de Carpentras, s’ouvrant sur le grand paysage et les grands monuments de la ville.
Le restaurant trouve naturellement sa place dans ce dernier niveau secret et perché dans le Skyline de la cité. Le restaurant profite ainsi d’une situation exceptionnelle et unique dans Carpentras, jouant sur la surprise et l’inattendu pour proposer un nouveau point de vue. La terrasse et le restaurant belvédère deviennent un instrument fait pour admirer. De larges débords de toiture viennent protéger la salle à manger du restaurant tout en renforçant le côté panoramique des vues proposées vers le centre-ville, la Porte d’Orange, ou le Mont Ventoux.

Sobriété

Construire dans le centre historique de Carpentras est difficile. L’architecte est logiquement obligé de respecter la hiérarchie des architectures historiques, nous nous sommes donc tenus à une grande sobriété.
Le projet conserve ainsi l’ensemble des façades périmétriques de l’îlot Plan. Les enduits en façades et les toitures en tuiles sont repris aussi bien pour les parties rénovées que neuves afin de s’intégrer parfaitement au tissu urbain. Ici, il n’y a pas d’opposition entre l’ancien et le moderne, mais plutôt un consentement mutuel à refaire vivre ce lieu.
Le projet présenté cherche ainsi une simplicité et une continuité dans les modes constructifs employés, les matières, les teintes afin de garantir une continuité et une cohésion entre les constructions.

Enfin, une grande attention a été portée pour offrir un bâtiment sobre en énergie, le patio permet un tirage naturel du bas vers le haut profitant à l’ensemble des espaces pour un rafraichissement naturel du bâtiment en période estivale. Nous proposons l’utilisation de la géothermie, à confirmer par des études complémentaires, comme moyen de chauffage et de rafraichissement afin de proposer un système économe en énergie.
Au travers de ce projet, il est recherché une sobriété architecturale doublée d’une conscience environnementale.

« Unitas fortitudo, dissentio fragilitas »

Une grande partie des constructions du centre-ville est pour ainsi dire de facture modeste, car destinée autrefois à des populations elles-mêmes modestes. Une grande partie de la beauté du centre-ville vient de cette cohésion urbaine, certes sobre et modeste, mais avec une grande force dans son unicité.
Aussi, ce nouvel équipement s’inscrit pleinement dans la dynamique du renouveau du centre historique de Carpentras. Si ce bâtiment n’est qu’une petite pièce de ce grand édifice, où la retenue est de mise, il n’en demeure pas moins important dans la vie et la dynamique de la cité : un lieu capable de diffuser, d’animer, d’accueillir, de divertir, d’éduquer ou simplement d’aider…Notre ambition est ici de proposer une architecture juste dans ses rapports à l’histoire et à venir ; juste par son urbanité simple et généreuse ; juste dans son envie d’habiter pleinement ce lieu ; juste par le foisonnement de vie qu’elle voudrait insuffler à ce nouvel équipement.