En 2012, l’agence a été missionnée par GECINA pour réaliser une étude sur l’ensemble de son patrimoine parisien et révéler les constructibilités rendues possibles par la libération du COS, la loi ALUR et la loi Duflot. Ce projet de 14 logements collectifs s’inscrit dans le cadre de cette étude.
Livré en septembre 2020, il est situé à Paris dans le 12ème arrondissement, Avenue de Saint Mandé, en cœur d’ilot au sein d’une résidence construite dans les années 70.
En se promenant à Paris, on entrevoit parfois sa face cachée, lorsqu’un porche nous fait la faveur de s’entrouvrir, dévoilant une richesse insoupçonnée, une de ces ambiances calmes et sereines, précieuses et végétales, qui font le sel des cœurs d’ilots parisiens. Cette surprise, la poésie de ces espaces citadins dissimulés et entraperçus est au cœur du projet. Ainsi depuis la rue, à travers l’entrée principale de la résidence, on devine une densité végétale inhabituelle, comme une invitation.
En rupture avec la rue, la cour intérieure dévoile un jardin évoquant un sous-bois peuplé de fougères, de couvre sol, de résineux et autres arbres de hautes tiges, comme un sas entre deux univers : celui de la ville et celui de l’intime. Au terme d’un chemin qui serpente dans le sous-bois se dresse le projet, un édifice en bois rigoureusement tramé, s’inspirant de temples japonais, et réinventant une modernité sage inspirée des techniques séculaires. Les balcons abritent les volets et les menuiseries en bois des intempéries, en les conservant en retrait. Les terminaisons des éléments structurels à l’épreuve des éléments sont protégées par une peinture blanche, imprimant ainsi un rythme sur la façade. A travers ce rythme, mais aussi à travers l’expression de la trame des balcons, le choix de laisser les assemblages visibles, le jeu des volets coulissants, émerge une écriture architecturale à la fois simple, forte, et originale, totalement en osmose avec le jardin.
Cette symbiose entre l’architecture et son paysage donne au lieu une ambiance d’une profondeur particulière, une intimité sereine qui réussit à faire oublier les constructions qui l’entourent et ce malgré la proximité et la grande différence d’échelle.
Au pied du bâtiment, un auvent semble indiquer une entrée qui se révèle être un passage, contrastant par sa blancheur avec l’ambiance boisée du jardin. Ce passage traverse le projet et mène vers un second degré d’intériorité, plus secret encore, qui modifie la perception du site, révélant une cour aux dimensions intimistes entièrement blanche, un espace à partager pour les habitants, qui dessert les logements par des coursives en balcon sur la cour.
De cette succession d’ambiances naît la qualité des logements. Rentrer chez soi, c’est un entre-deux, un point fondamental dans la qualité et la perception positive de son logement, un point de bascule où se joue la distanciation nécessaire entre l’intime et le monde extérieur.
Le projet, se devait d’être exemplaire aussi bien dans l’usage que sur la question environnementale, en accord avec les préoccupations actuelles : des logements de qualité (lumière, ambiances, matériaux) et frugaux dans leur construction et consommation énergétique. La stratégie des coursives permet la mise en place de logements systématiquement traversants, qualité intrinsèque permettant une dilatation de l’espace, l’affranchissement des couloirs et la ventilation naturelle de manière simple et efficace des logements. L’appartement s’organise en bande suivant les deux orientations :
-Côté jardin, séjour et chambre possèdent chacun un accès au balcon. De plus ils communiquent directement entre eux par un double système de panneaux coulissant organisant les déplacements entre les deux pièces de manière fluide.
-Coté cour blanche, l’entrée et les pièces d’eau profitent toutes d’un éclairage naturel. La simplicité de cette organisation permet de concentrer de manière optimum les fluides dans l’épaisseur d’une bande centrale technique qui intègre aussi la structure et les rangements.
Tout comme le salon et la chambre, toutes les pièces sont reliées entre elles par des panneaux coulissants.
Le projet, se devait d’être exemplaire aussi bien dans l’usage que sur la question environnementale, en accord avec les préoccupations actuelles : des logements de qualités (lumière, ambiances, matériaux) et frugaux dans leur constructions et consommations énergétiques. Cette opération, en cœur d’ilot séparée de la rue par un immeuble en R+11, interdisait toute installation de levage classique et tout passage par les airs. De même, il était impératif que le hall de l’immeuble existant reste en fonctionnement pour les habitants de la résidence pendant la construction. Toutes ces contraintes nous ont amenés à réaliser cette opération en passant le parking reliant la rue au cœur d’ilot via le sous-sol avec des gabarits extrêmement réduits (3.5m de large x 2.3m de hauteur libre). Aux contraintes d’accès s’ajoutant des contraintes de poids, puisque la construction neuve devait enjamber le parking existant sans entraver son fonctionnement.
Face à ces ambitions sociétales et ces contraintes de site (accès, poids), nous avons optés pour une construction en bois aussi bien en structure qu’en façade. L’innovation technique ne s’arrête pas au choix d’un matériau mais doit s’inscrire dans la logique de celui-ci. S’il est essentiel de travailler sur l’origine des matériaux afin de limiter le coût carbone et d’aller vers le choix de matériaux biosourcés à l’origine d’emplois non délocalisables, il est aussi primordial de porter une attention toute particulière aux détails constructifs : les assemblages, les rythmes, les proportions, les essences de bois… afin d’offrir un mode constructif incarné dans une esthétique. Mises à part les qualités intrinsèques du bois (stockage de CO2…), le respect des délais, la précision de la préfabrication, la qualité de formation des compagnons charpentier, ce choix s’impose dans la conception d’une architecture rationnelle et modulaire à même de proposer un regard particulier sur la mise en œuvre et la valorisation des matériaux.
La plus-value financière du bois est contrebalancée par la rationalisation constructive et la modularité proposée. Cette projection d’une structure modulaire va dans le sens de la mutabilité des immeubles en concevant des plateaux libres pouvant changer durant la vie de l’édifice. Pour construire ce bâtiment, il a fallu faire appel à des entreprises capables de s’adapter aux ambitions et contraintes du projet, intrinsèquement : des entreprises souples, créatives, et donc innovantes. Le monde de la construction bois en plein développement démontre une grande capacité d’innovation : ici, une conception et fabrication via des modèles BIM, préfabrication sur mesure en atelier, optimisation des éléments de structure (poids, dimensions,…), engins de levages adaptés aux contraintes de site. Ainsi, ce projet a nécessité une méthodologie innovante toute particulière alliant ingénierie de pointe et savoir-faire.